Auberge des Enfers

[i] Un feu intense parcourût mon corps inerte depuis trop longtemps, tandis qu'un souffle ravageur se répandît sur le pauvre infortuné devant moi.

Je m'aperçut alors que mon adversaire, Tymasion, s'était changé en un vieux débris alcoolique couverts d'une étrange sauce verdâtre parsemés d'éclats rouges qui ressemblaient aux tomates que j'avais mangé la veille...

Mon esprit embrumé comprît alors que je ne me trouvais plus à Bylis, mais dans une auberge que je reconnût difficilement, celle du Nekyochoro. Surpris par ce changement d'ambiance et de lieu, je ne réagis même pas lorsque celui que j'avais dû bénir de mon flux digestif me rendît l'appareil de tout son cœur :

« A...aaaaa la Tieeuuuurh eurrh !»

Une coulée rouge à l'odeur infâme parcourût ma nuque jusqu'à mon échine. Furieux, je frappais le vieux débris en plein dans la figure, l'envoyant dans les bras de Morphée, toujours sous les rires moqueurs de tous ici présent, notamment de...Rune, Vachaldo, Gotchi et Yamreg.

« PAR HADES !, m'écriai-je, MAIS QU'EST CE QUE VOUS FICHEZ ICI ? ET MOI ???? »

Mais devant les rires continus de Gotchi, je préférais sortir un instant de la taverne, couverts de gerbe et de honte. Heureusement, le tavernier avait pensé à s'alimenter avec autre chose que de l'alcool,et je pût profiter d'un plein tonneau d'eau sans doute réservé aux chevaux des trop rares gens aisés qui passaient par là. Cette dernière était saumâtre et sentait la vigne périmé, mais au moins j'étais redevenu potable, et l'eau m'aida à m'éclaircir les idées.

Je me souvint alors du sale coup que m'avais fait Tymasion, me frappant sournoisement alors que naïvement je pensais pouvoir éviter de faire couler le sang.

Revenant dans la salle où se trouvais mes frères d'armes, je comprît au moins que la mission était réussi. Cependant, je ne me sentais toujours pas au mieux de ma forme. Avant de partir pour Bylis, et même pendant le voyage, mes rêves avaient été mouvementés. Mes blessures me faisaient encore mal, mais il y avait autre chose, j'entendais comme une voix dans ma tête, ou plutôt un appel, un cri strident, tandis que des images de ma cité désolée traversait mon esprit.

Toujours dans mes pensées, je m'aperçut soudainement que j'étais à l'infirmerie ! Yamreg était sur mon dos, et à mes côtés se trouvait Rune, qui m'avait accompagné. Et toujours ce même cri, non...CES même cris...les cris des Décharoniens que l'on égorgeait au coin des rues, et le bruit des flammes qui consumait leurs chairs...

« Je ne me sens pas bien, Rune, finît-je par dire à ce dernier, je dois aller faire un tour, je te laisse prendre soin de Yamreg ».

Je retournais alors au Nekyochoro, toujours pris dans mes réflexions, mais décidant tout de même de souffler un peu. Le marché, lieu de vie par excellence, était tout choisi pour moi...

*Une jolie jeune femme, voilà qui m'aiderait à panser mes blessures plus rapidement ...* pensais-je.

Je lâchais Gotchi quelques instants, et m'approchais de la jeune femme qui venait d'entrer. Je m'en approchais et dis :

- Je suis prêt à relever le défi, si tu me le permet. Puis-je m'asseoir ?

Eh bien il n'avait pas fallu longtemps pour qu'un guerrier d'Hadès se manifeste. À croire qu'à Nekyochorio ils étaient soit pauvres, soit en manque de femmes. À moins qu'ils ne soient tout simplement joueurs.

- Bien sûr, assieds-toi, répondit-elle avant de lancer sa pièce en l'air.

Elle la rattrapa dans sa main gauche et l'abattit sur le comptoir, le statère bloqué entre sa paume et le bar. Lorsque Vachaldo fut assis, elle le regarda brièvement des pieds à la tête avec un sourire en coin. La seconde suivante, sa main droite était posée sur la cuisse du Spectre.

- Mmmh... Pas mal du tout, dit-elle avant de retirer sa main lentement, son statère d'or coincé entre son index et son majeur.

Sa main gauche, elle n'avait toujours pas bougé. Quand elle se décida enfin à la retirer du comptoir, la pièce ne se trouvait bien évidemment plus dessous. Après un petit clin d’œil à l'attention de Vachaldo, la jeune femme envoya son statère d'une pichenette vers l'aubergiste. Sans avoir à faire le moindre geste, Mathaïos reçut le sou directement dans la choppe qu'il était en train de nettoyer.

- Tu dois être plus coutumier du lieu que moi, dit-elle au Spectre, choisis ce que tu veux et je te suis.

- Vachaldo dis-tu ? répéta la jeune femme. J'en ai de la chance ! Ma mission sera d'autant plus courte.

Comme il avait répondu à la question, et conformément aux règles du petit jeu, elle dut avaler une autre gorgée.

- Moi c'est Rebecka. À toi, qu'est-ce que tu veux savoir ?

- Je cherchais des serviteurs d'Hadès justement. répondit-elle avec un sourire énigmatique.

Celui qui accompagnait Vachaldo, et qui semblait d'ailleurs légèrement entamé par la boisson, les rejoignit pour leur offrir un verre non sans avoir murmuré quelque chose à l'oreille de son ami Spectre avec toute la discrétion que lui permettait son alcoolémie.

- Viens donc t'asseoir avec nous, lui dit-elle en lui indiquant le tabouret à côté d'elle. À moins que tu préfères te cuiter tout seul dans ton coin.

Puis, se tournant à nouveau vers Vachaldo, buvant une gorgée de vin au passage...

- Est-ce que tu connais une dénommée Circé ?

La mutation instantanée du visage du Spectre fit sourire Rebecka.

- J'en déduis que oui, répondit-elle avant de se raviser en buvant une bonne rasade de vin. Vraiment pas mauvais du tout. Non, pour être franche, j'en déduis rien du tout, je savais que tu la connaissais avant de te poser la question. Tu te demandes sûrement comment ça se fait. La réponse est simple. Nous avons un ami commun toi et moi.

La jeune femme laissa s'écouler quelques secondes avant de conclure, le temps d'engloutir une autre gorgée de vin.

- Gabryel.

- À la bonne heure, répondit Rebecka en achevant son verre. En revanche, tu devrais emmener quelques uns de tes copains avec toi. Circé est dangereuse. Et même si pour l'instant, elle n'a pas réussi à s'emparer de la Gloire d'Amalthée, nous savons de source sûre qu'elle a fait main basse sur d'autres armures, dont le Surplis de la Goule.

- Ma barrique, dis-je en me retournant vers Gotchi, tu as entendu ? Fini ton verre et on va conduire mademoiselle chez nos Oracles pour anticiper un rassemblement.

- Partons donc pour le palais voir si nos incapables d'Oracle pourront nous aider à recruter quelques spectres.

Palais des Oracles Devant les portes

Ni une, ni deux, Vachaldo prit la décision de se rendre auprès des Oracles d'Hadès en incluant Rebecka.

- D'accord. Je te suis.

Son compagnon Spectre serait également du voyage. Ce dernier laissa également la jeune femme le précéder, une façon courtoise de déguiser l'escorte de quelqu'un dont ils se méfiaient, Vachaldo ouvrant la marche.

- Trop aimable, répondit-elle à Gotchi, avant de conclure avec un clin d’œil, la cuite sera pour une prochaine fois je présume.